Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE VI.


De quelle maniere il achève ſon cours de Philoſophie. Il apprend les Mathématiques. Ses progrez dans ces ſciences. Son application particuliere à l’Analyſe des Anciens, ⅋ à l’Algébre des Modernes. Il n’a point lû Viéte tant qu’il a été en France.


1611.
1612.
______

Mr Deſcartes fut encore moins ſatisfait de la Phyſique, & de la Métaphiſique qu’on luy enseigna l’année ſuivante, qu’il ne l’avoit été de la Logique & de la Morale. Il étoit fort éloigné d’en accuſer ſes Maîtres, luy qui ſe vantoit d’être alors dans l’Pag. 6. de la Méth.une des plus célèbres Écoles de l’Europe, où il ſe devoit trouver de ſçavans hommes, s’il y en avoit en aucun endroit de la terre  : & où les Jéſuites avoient probablement ramaſſé ce qu’ils avoient de meilleur dans leur Compagnie, pour mettre le nouveau Collége dans la réputation où il eſt parvenu. Il ne pouvoit auſſi s’en prendre à luy-même, n’ayant rien à deſirer de plus que ce qu’il apportoit à cette étude, ſoit pour l’application, ſoit pour l’ouverture d’eſprit, ſoit enfin pour l’inclination.Stud. bon. mentis MS. Car il aimoit la Philoſophie avec encore plus de paſſion qu’il n’avoit fait les Humanitez, & il eſtimoit tous les éxercices qui s’en faiſoient en particulier & en public dans le Collége, quoyqu’il ſe trouvât dés-lors embaraſſé de doutes & d’erreurs qui l’environnoientPag. 7. 10., au lieu de cette connoiſſance claire & aſſurée de tout ce qui eſt utile à la vie, qu’on luy avoit fait eſpérer de ſes études.

Plus il avançoit, plus il découvroit ſon ignorance. Il voyoit par la lecture de ſes livres, & par les leçons de ſes Maîtres, que la Philoſophie avoit toujours été cultivée par les plus excellens Eſprits qui euſſent paru dans le monde : & que cependant il ne s’y trouvoit encore aucune choſe dont on ne diſputât, & qui par conſéquent ne fût douteuſe. L’eſtime qu’il avoit pour ſes Maîtres, ne luy donnoit point la préſomption d’eſpérer qu’il pût rencontrer mieux que les autres. Pag. 6. 10. de la Méth.Conſidérant la diverſité des opinions ſoûtenuës par des Perſonnes doctes touchant une même matiére, ſans qu’il y en puiſſe avoir jamais plus d’une qui ſoit vraye, il s’accoû-