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Concorde en suivant tous les boulevards jusqu’à la Bastille.

Étant caserné à l’École-Militaire, j’allais fréquemment à l’Exposition. Je m’y amusais beaucoup, surtout aux bars où de jeunes Hébés de tous pays, portant les costumes de leur nation, vous versaient la bière blonde de Vienne ou le kümmel argenté de Russie.

Mon pauvre père ne voulut jamais y mettre les pieds. «  C’est à cause de cette grande foire, disait-il, qu’on n’est pas intervenu l’année dernière au moment de Sadowa. On ne voulait pas compromettre le succès de cet immense bazar. On a mieux aimé soutenir les marchands de casseroles électriques et autres exploiteurs que de secourir les Autrichiens et empêcher l’unité de l’Allemagne. L’Empereur verra ce que cela lui coûtera et à nous aussi ! »

Hélas ! les événements de 1870 devaient lui donner raison. Mon père a été souvent bon prophète en politique ; il voyait vite et juste.

Il y eut à la fin de l’Exposition un concours de musiques militaires des différentes puissances. Ce furent les Autrichiens qui emportèrent le prix en exécutant, entre autres choses, l’ouverture de Guillaume Tell d’une façon si parfaite que je ne crois pas l’avoir jamais entendu aussi bien jouer