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Boureil attendit encore une demi-heure, admirant la sagesse des ordres qui imposent à leurs membres le vœu de pauvreté. Comme il se demandait : Qu’est-ce qui appartient à César ? Saint-Ours lui-même ouvrit la porte de son bureau : vaste pièce tendue de cuir rouge au milieu de laquelle se dressait une très grande table en arc de cercle. Boureil, enfonçant dans un tapis sombre, avança vers la chaise que lui indiquait le maître de céans. Derrière le fauteuil où ce dernier s’installa montait en volutes comme une fumée bleue une fresque, qui prêta aux premiers moments de cette entrevue une apparence de cauchemar. Se découpant sur ce fond, la tête d’Auguste, cernée de cheveux et de barbes gris, ne présentait pour traits que des bouffissures et des plis de chair, d’où giclaient de fois à autre postillons et verts regards : on aurait dit d’un crapaud rose accroupi sur un galet couronné d’écume.