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— Je n’aperçois pas de livre. Est-ce que tu ne lirais plus ?

— Je n’ai même plus d’ambition littéraire. À vingt ans, je voulais tout régler à mon opinion. Si l’on m’avait alors offert le poste de premier ministre, je l’aurais accepté comme chose due. Même je ne pardonnais pas au premier du temps de l’occuper à ma place. Cela me semblait un abus. D’ailleurs, je ne pardonnais à personne de me dominer, et ne tolérais plus de maître de pensée. Je lisais les philosophes pour les mettre d’accord, comme s’ils eussent été encore philosophes ; je lisais les autres écrivains pour les critiquer en dernière instance et les supprimer tous par un chef-d’œuvre. Je voulais aussi régler leur propre compte aux médecins. Qu’ai-je retenu de tant de lectures ? Si peu de chose que je pense bien n’en avoir compris rien. Et encore, si je cessai de lire, ce ne fut pas par dégoût ni par