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Chiron leva deux longs doigts en V. Un garçon apporta deux autres verres débordant de mousse.

— Je perds la voix, dit Boureil.

— Du froid ?

— Non, je me suis isolé pour jouir du silence…

— Ce n’était pas la peine. Au Canada, on ne cause pas.

Chiron but un verre d’un trait, et s’étant essuyé la bouche à sa manche :

— Nos rares entretiens roulent sur la politique et les affaires. Nous mettons toujours tout le pays entre nous. Une invincible pudeur nous retient de parler des choses qui nous touchent. À vrai dire, les Canadiens n’ont pas encore de vie intérieure. Comme les petits enfants, ils parlent d’eux-mêmes volontiers à la troisième personne, et s’appellent par leurs prénoms. Ils ne croient pas