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D’argile tu m’as ſait qu’en poudre tu reduis.
Et ne m’as tu pas trait ainſi come du lait ?
Come fourmage auſſi ne m’as tu pas caillé ?
De chair & peau vetu m’as-tu pas abillé ?
D’os & nerfs n’as tu pas mon aſſemblage fait ?
Tu m’as doné la vie : & ſi me départant
De ta miſericorde, as-u de moi pitié :
Voire tu as gardé par ta douce amitié
Mon eſprit maintenu, benin le viſitant.

iiii. Reſponde mihi.

Repon-moi combien i’ai d’ofenſes & méfaits :
Mes crimes & délits montre moi. Mais pour quoi
Ton viſage caché détournes-tu de moi ?
Et pour ton ennemi tu me tiens & me mets ?
Contre une fueille morte abandonee au vent
Tu montres ton pouuoir : Et tu menes chaſſé
Le fétu de nul pris. Contre moi pourchaſſé
Recherches & rigueurs tu viens metre en auant.
Et me veus ruiner pour les pechés commis
En ma ſote ieuneſſe & foible & ſans raiſon :
Et mes piés atachés en la dure priſon,
Dans le cordage etreint des liens tu as mis.
Tu as pris garde à tous les chemins qu’ai ſongés :
Les traces de mes pas tu as fait agueter :
De moi qu’en pourriture vn iour lon doit ieter,
Come vieus vetements par les tignes rongés.

v. Homo natus.

L’home né de la femme vn peu de tems viuant,
De beaucoup de miſere abonde malheureus :