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sur les menus incidents de la journée, sur l’avancement de certains travaux et le ralentissement de certains autres, sur les embarras sans cesse renaissants entraînés par l’irrégularité du service de la main-d’œuvre. Sans affecter de laisser leur père en dehors de leur conversation, ils évitaient de lui adresser directement la parole, afin de ne point le forcer à leur répondre, épiant néanmoins du coin de l’œil un éveil de sa mémoire ou un retour de sa curiosité.

Ils attendirent longtemps, hélas ! avant que rien de semblable se produisît. Un matin cependant que Henri annonçait joyeusement à sa sœur qu’une nouvelle équipe de travailleurs indigènes venait enfin d’arriver du village de Bomazonga, pour la première fois depuis bien des semaines, Michel parut sortir de sa torpeur ; il est vrai que ce fut pour hausser les épaules d’un mouvement de lassitude infinie ; puis, comme Henri, tout déconfit, regardait tristement son père, celui-ci finit par lui dire :

« A quoi bon te donner tout ce mal, mon pauvre enfant ? Ne vois-tu pas que j’en ai assez de cet affreux pays et qu’un jour ou l’autre je m’en vais tout planter là pour m’en retourner en France ? »

Toute pâle, Marguerite se leva brusquement et s’écria :

« Tu voudrais abandonner maman ici ? Ah ! papa, je n’aurais pas cru cela de toi. »

Michel leva les yeux sur ses enfants et, les voyant tous deux les joues ruisselantes de larmes, un cri rauque s’échappa de sa poitrine et, ouvrant les bras à Marguerite et à Henri qui s’y jetèrent heureux d’avoir enfin retrouvé leur père, il leur dit :