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village, de copieuses libations avaient été absorbées sans doute, et la dignité de la cérémonie s’en ressentait cruellement. Tant bien que mal, le cercueil n’en fut pas moins accompagné par toute la population jusqu’au hangar funéraire qui s’élevait à quelque distance du village ; puis chacun s’en retourna chez soi sans autre cérémonie.

A Madagascar, en effet, on ne connaît aucun culte extérieur, aucune manifestation religieuse ; il n’y a point de prêtres, ni rien qui y ressemble, de même qu’il n’y a pas de temple, d’église, ou quelque chose d’approchant, en dehors, bien entendu, des églises importées par les missionnaires catholiques ou protestants. Ce n’est pas à dire que les Malgaches n’aient point de croyances, mais leurs croyances sont toutes primitives et défigurées par les plus grossières superstitions. Le mot Dieu (Zanahary ou Andriamanitra) existe dans la langue malgache ; mais on n’y attache aucune signification précise ; il est employé surtout dans quelques formules usuelles, comme « Dieu vous protège ! » (Tahim’Andriamanitra), la formule d’adieu ordinaire. C’est probablement un reste purement verbal de la religion monothéiste des anciens conquérants du pays, les Arabes, souche de toutes les familles royales. Les Malgaches admettent une âme, mais dans un sens tout différent du nôtre ; c’est pour eux une sorte d’ombre, de fantôme, de corps aérien ; l’âme n’est pas le principe vital de l’homme, mais elle est simplement unie à lui et peut en être séparée ; elle s’en sépare d’elle-même un an avant la mort ; toutefois, elle ne quitte jamais le corps de sa propre volonté, c’est le sorcier qui l’en chasse ; car s’il n’y a pas de prêtres à Madagascar, il y a des sorciers, voire