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« Tu comprends, mon petit ? poursuivait son bourreau avec un ton bonhomme. Tu ne peux pas rester fille indéfiniment. D’abord, moi je ne veux pas m’en aller de ce monde avant d’avoir eu les poils de ma barbe tirés par une légion de petits-neveux. Sois tranquille, je ne veux pas te jeter à la tête du premier venu. Le mari dont je te parle est un charmant garçon qui te plaira certainement ; c’est en outre un homme de mérite, qui a fait ses preuves, un officier d’avenir.

— Un officier ? murmura la fillette toute tremblante. Et… je le connais ? » ajouta-t-elle, en cachant son visage sur la poitrine de son oncle.

Le brave homme hésita une minute ; puis, avec une grimace qu’un physionomiste exercé eût pu traduire par ces trois mots : il le faut ! il répondit en affermissant sa voix :

« Non. »

Aussitôt il se produisit comme un changement à vue : la jolie tête blonde, qui s’était blottie toute frémissante sur la vaste poitrine du vieillard, se redressa brusquement, et la pauvre Marguerite, dépitée, s’écria :

« Mais où prenez-vous que je veux me marier ? Je n’y pense pas, je n’y ai jamais pensé. Et je ne sais pas pourquoi vous venez me parler de tout cela. Et puis enfin, vous êtes un vilain de me tourmenter ainsi ! Je vous déteste ! »

Et s’arrachant des bras qui la retenaient prisonnière, elle se sauva précipitamment pour ne pas laisser voir les grosses larmes qui ruisselaient sur ses joues.

« Va toujours, mon petit ! pensait le vieux Daniel en la suivant des yeux ; tu me remercieras plus tard. En attendant,