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Je ne sais qui a dit : « Remuer le sol des régions intertropicales, c’est y creuser sa tombe. » Or, jamais peut-être, soldats n’avaient remué autant de terre sous les tropiques. Cependant la triste parole ne s’est point vérifiée au pied de la lettre, en ce qui concerne ces vaillants soldats du Génie ; bon nombre, fort heureusement, en ont été quittes pour fournir un contingent respectable aux fiévreux recueillis par les hôpitaux installés à Ambato, à Ankaboka, et à Majunga même.

L’ambulance de Maevasamba reçut pour sa part une dizaine de ces modestes héros, et l’on pense de quels soins ils furent l’objet dès leur arrivée.

Quelques hommes du 200e furent également confiés au vieux Daniel et, parmi eux, un soldat nommé Nicole qui avait servi d’ordonnance au pauvre colonel Gillon. Il était déjà avec lui au 49e, à Bayonne ; et, quand celui-ci avait été désigné pour commander et organiser le 200e, il avait emmené son ordonnance. A Lyon, à Marseille, pendant la traversée, et enfin à Madagascar, Nicole n’avait point quitté son colonel, et c’était lui qui l’avait veillé et assisté jusqu’au dernier moment.

Ce brave garçon, assez gravement atteint lui-même, était devenu bien vite le Benjamin de Marguerite. Très doux, très timide, avec des yeux bleus et un soupçon de moustache blonde, il semblait honteux de l’attention vigilante et délicate dont il était entouré ; jamais une plainte, un mouvement d’impatience ne lui échappaient ; il fallait lui arracher les mots un à un pour le forcer à avouer qu’il souffrait, qu’il avait passé une mauvaise nuit, qu’il mourait de soif, etc. Marguerite parvint cependant à apprivoiser la discrétion presque farouche du