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si seulement notre ordinaire était un peu plus varié. Le bœuf sous toutes les formes, voilà le fond de notre cuisine. Chaque soir on nous sert un pot-au-feu monstre, où la julienne sèche joue le rôle du chou et des navets absents ; après le bouilli, deuxième plat de bœuf, lequel est suivi d’un rôti de même nature. Et le lendemain, ça recommence. Certes, le bœuf est une viande excellente, mais à la longue elle devient fastidieuse ; on vendrait sa part de paradis pour un gigot de mouton aux haricots ; mais nous n’aurons de mouton que lorsque nous serons au cœur de l’Imerina. En attendant, c’est à qui s’ingéniera pour varier un peu la monotonie de notre éternel menu. Nous en venons à regretter les mercantis, qui nous ont si cruellement écorchés pourtant dans le Boueni. Quand je pense qu’à Marovoay un de ces estimables industriels, qui se disait de Marseille mais qui était plutôt Grec à moins qu’il ne fût Croate, nous faisait payer cinq francs un paquet de tabac de dix sous, et quatre francs cinquante un litre de vin qui valait soixante-quinze centimes à Majunga ! De loin en loin des Sakalaves, plus ou moins suspects de maraudage, nous apportent des bananes, des canards, voire des tortues de l’Ikopa, qu’ils cherchent à nous vendre le plus cher possible ; un sou et demi pièce les bananes, trois francs les canards, deux francs cinquante à quatre francs les tortues, suivant leur taille qui varie entre quarante et cinquante centimètres. Mais nous sommes bien trop heureux de couper par une légère variante la désolante monotonie de notre popote pour nous montrer difficiles sur le prix des denrées susdites, ni sur leur provenance. Tu vois qu’après tout nous ne nous laissons pas mourir de faim.