Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/20

Cette page n’a pas encore été corrigée

répandit de village en village qu’un vazaha (c’est le nom qu’on donne aux étrangers à Madagascar) établi à Manakarana achetait toutes les productions du pays, quelles qu’elles fussent. En moins d’un mois, je fus envahi, débordé. Tout ce qui était susceptible d’être acheté dans un rayon assez étendu m’arriva à la fois : caoutchouc, gomme copal, bois d’ébène et de palissandre, maïs, riz, orseille, pois du Cap, cire, vanille, cuirs de bœuf salés et jusqu’à des tortues de terre pesant de trois à cinq kilos. Je fus obligé d’improviser des dépôts provisoires, de louer ou d’acheter toutes les cases qui se trouvaient disponibles autour de moi. Au lieu d’argent, mes vendeurs indigènes préféraient être payés en denrées de provenance européenne. Or, une heureuse coïncidence voulut qu’à ce moment même un brick de commerce du port de Marseille, chargé précisément d’articles d’échange, le San Thomé, capitaine Marius Richard, à destination de Port-Natal, dût relâcher à Majunga en attendant la fin de je ne sais quelle épidémie qui ravageait la côte orientale sud d’Afrique ; cette épidémie menaçant de se prolonger, le capitaine cherchait à se défaire de sa cargaison à n’importe quel prix, afin de pouvoir regagner son port d’attache dans les délais voulus. C’était justement mon affaire, j’achetai le tout en bloc et, comme je payais comptant, je l’eus pour peu de chose. Je me trouvai ainsi à la tête d’un stock considérable de faïence, de quincaillerie, de verroteries, d’armes à feu, de poudre de chasse, de miroirs, de colliers en cornaline, de toiles de Madapolam, de toiles écrues d’Amérique, de guinées de l’Inde, de tissus imprimés, etc., qui me permit de régler en empochant des bénéfices considérables mes opérations