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et énergique, qui sait ce qu’il veut. Aussi inspire-t-il à ses hommes la foi qu’il a en lui-même. Voyez-vous, monsieur Berthier, il faut se méfier des impatiences irréfléchies et de cette tendance à tout critiquer qui est dans notre nature, à nous autres Français. J’enrage quand je lis dans les journaux qu’on m’envoie de Paris des correspondances de Madagascar évidemment fabriquées de toutes pièces sur le boulevard, et où un monsieur sans talent ni conscience étale impudemment une ignorance absolue de la réalité et un parti pris odieux de dénigrement. La responsabilité d’un chef qui a une armée à conduire, et une grande œuvre à accomplir dans des conditions d’argent et de temps presque imposées, est chose assez délicate pour qu’on ait la pudeur de lui épargner des critiques si décourageantes. Ce qu’on devrait comprendre surtout, c’est que cette campagne est bien moins une guerre d’hommes à hommes qu’une lutte avec les éléments, avec les résistances inertes de la nature. Quand on livre bataille à l’ennemi, au moins les résultats de la victoire sont immédiats ; mais lorsqu’on s’attaque à la nature elle-même, c’est toujours à recommencer, et il faut autrement d’énergie et de fermeté d’âme pour résister sans faiblir au climat et aux privations que pour courir au feu, la poitrine découverte. Pensez que c’est à travers un véritable désert, couvert de broussailles, d’herbes hautes, ou de marais pestilentiels, que marche le Corps expéditionnaire ; et cela avec un matériel qui ne peut rendre, si soigneusement et si habilement qu’il ait été conçu, que de médiocres services. Que voulez-vous ! On avait bien prévu qu’on rencontrerait de sérieuses difficultés de tout genre ; et on avait fait en conséquence des