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et Ouledy, il m’expliqua en mots entrecoupés que c’étaient ces deux bandits qui avaient tué mon père ; il les reconnaissait ; il en était sûr ; comment s’y serait-il trompé, d’ailleurs, puisqu’il avait assisté au drame en faisant le mort lui-même, et qu’il n’avait rien perdu de ce qui s’était passé ?

Tu devines, ma chère Marguerite, l’émotion qui me bouleversa en apprenant que j’avais en face de moi les misérables qui avaient si lâchement assassiné notre père. Moi aussi, il fallut qu’un ami me retînt de force pour m’empêcher de me jeter sur les deux bandits et les étrangler de mes mains. A quoi cela eût-il servi, d’ailleurs, puisqu’ils ne pouvaient échapper maintenant au châtiment ? Quand je fus un peu remis, j’admirai le mystérieux enchaînement de circonstances qui avait fait du fils de la victime le principal instrument de la découverte, de la prise et, jusqu’à un certain point, de la condamnation des deux assassins. La préoccupation de rechercher ces brigands ne m’avait pas quitté un seul jour depuis l’ouverture de la campagne, mais j’étais loin de m’attendre à les trouver si rapidement. Il me semble maintenant que j’ai un poids énorme de moins sur la poitrine, et je me plais à m’imaginer que notre pauvre cher père reposera plus tranquille depuis que sa mort est vengée.

Mais je veux te finir le récit de cette tragique histoire. En attendant leur exécution, fixée au lendemain matin, les six condamnés avaient été enfermés dans une case, près de la popote des officiers de la 3e compagnie du 200e. Je ne sais pas s’ils dormirent cette nuit-là ; quant à moi, il me fut impossible de fermer l’œil ; la pensée que ces misérables qui avaient fait de moi un orphelin étaient là, à