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en rapporter une semblable, à mon prochain voyage.

— A ce propos, tu n’as pas idée, mon vieil Hugon, des changements que j’ai trouvés en arrivant à Majunga. La ville est presque européanisée, ou francisée, maintenant. C’est au point que j’avais quelque peine à m’y retrouver, et Dieu sait pourtant si je la connais dans les coins et les recoins ! Les anciennes rues, étroites et tortueuses, ont été nettoyées, redressées, élargies, et les vieilles cases construites à l’arabe qui les bordaient remplacées par des maisons bâties à l’européenne. On a installé des trottoirs avec un éclairage superbe. Des faubourgs s’élèvent petit à petit sur de nouveaux tracés. En même temps que d’aspect, les rues ont changé de nom ; il y a maintenant l’avenue de France, la rue du Primauguet, la rue de la Résidence, la rue Laborde, la rue Sylvain-Roux. Il y a même l’avenue du Bois-de-Boulogne ; d’ici peu sans doute on y pourra voir les belles Malgaches faisant la roue en de mirifiques équipages attelés de bœufs, pendant que nos plus brillants officiers caracoleront dans l’allée cavalière. En attendant, j’ai failli moi-même y être écrasé par un jeune sous-lieutenant monté sur une bicyclette et qui filait comme le vent sous les regards ahuris de la population noire. Car il y a encore une population noire ; si les Hovas et les Sakalaves, qui en formaient le fond naguère, ont disparu, les Makoas, les Comoriens, les Arabes et les Indous sont restés pour la plupart, dans l’espérance de profiter du séjour des Français pour s’enrichir. Ils sont noyés, il est vrai, dans le flot des arrivants qui augmente chaque jour. Outre une partie de l’état-major et les chefs de différents services installés en permanence à Majunga avec leur nombreux personnel,