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adoucir leurs souffrances. Elle ne pouvait plus penser à autre chose ; elle voyait dans son imagination les visages émaciés de ces malheureux soldats, abandonnés presque sans soins, malgré le zèle du personnel médical, et attendant, tout grelottants de fièvre, qu’il y eût un coin de libre dans un des hôpitaux. Enfin elle n’y tint plus ; un matin elle déclara à son oncle qu’elle avait décidé d’installer une ambulance, ou un sanatorium plutôt, dans leur maison de Maevasamba, abandonnée depuis l’ouverture de la campagne sous la garde de quelques domestiques de confiance, mais demeurée en l’état, toute meublée, toute aménagée, prête en un mot à être habitée. Stupéfait, le vieux Daniel leva furieusement les épaules.

« Mais, mon petit (c’était le mot dont il se servait le plus souvent quand il s’adressait à sa nièce), s’écria-t-il, une ambulance ! c’est toute une histoire à installer, à diriger, à entretenir ! Tu n’y penses pas ?

— Je ne pense qu’à cela, au contraire, mon cher oncle ; et ce n’est qu’après de mûres réflexions que je me suis décidée.

— De mûres réflexions, toi, mon petit ! Tiens ! Tu m’amuses avec tes mûres réflexions !

— Voyons, mon oncle, ne vous faites pas plus méchant que vous n’êtes et écoutez-moi. D’abord, vous savez que la maison est grande ; ce n’est donc pas la place qui nous manquera. Le rez-de-chaussée et le premier pourront aisément, à eux seuls, loger dix malades, chacun dans sa chambre. – Oh ! j’ai fait mon compte, j’ai mes dix chambres, en supprimant, bien entendu, le vestibule, le salon et la salle à manger.