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depuis longtemps Madagascar, un interprète, un secrétaire, et un certain nombre d’indigènes destinés à servir d’indicateurs, ou, si l’on préfère, d’espions. Ce personnel devait être réparti entre l’avant-garde pour organiser le service des guides, l’arrière-garde et l’état-major général.

Henri était ravi ; il allait donc pouvoir trouver l’application de ses connaissances spéciales, de son patriotisme et de son activité !

Ce qui, dès le premier jour, le frappa d’une réelle admiration, ce fut l’entrain inaltérable, la gaîté poussée parfois jusqu’à la gaminerie des soldats, échangeant entre eux des lazzi au milieu des circonstances les plus pénibles, ou chantant des couplets grotesques sur « Madame Gascar » – la seule manière logique, disaient-ils, de prononcer Madagascar, – ou sur « Ramasse ton Bazar » comme ils appelaient Ramasombazah, le féroce gouverneur du Boueni, commandant en chef des troupes de cette province. Quand les voitures en fer dites voitures Lefebvre restaient en plan dans un passage trop difficile, ils poussaient en riant à la roue, apostrophant de belle façon les malheureux conducteurs kabyles, donnant à la fois le coup d’épaule et le coup de langue. Les officiers étaient les premiers à montrer à leurs hommes l’exemple du dévouement et de l’endurance, prenant la pioche eux-mêmes ou poussant la brouette, afin de remonter le moral de ceux que la fatigue finissait par abattre. Mais ce qui aurait mieux valu encore pour faire oublier aux troupes toutes leurs épreuves, c’eût été une bonne rencontre avec l’ennemi, et jusqu’ici il ne semblait aucunement pressé de se montrer.