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cabinet, où il restait à veiller jusqu’à une heure avancée de la nuit.

Sa femme, qui l’adorait, souffrait de ce changement ; mais elle feignait de ne pas s’en apercevoir, espérant d’ailleurs que ce n’était qu’un moment à passer, qu’un jour ou l’autre, l’ancienne égalité d’humeur de son mari reviendrait.

Ce soir-là cependant le front de Michel était si morose, ses yeux se dérobaient avec un parti pris si évident, comme pour empêcher d’y lire le secret des préoccupations qui le tourmentaient, que la pauvre femme n’y tint plus. Au risque de se faire rabrouer, elle alla, dès que les enfants furent couchés, rejoindre son mari dans son cabinet.

Comme il la regardait, surpris de cette visite inaccoutumée, elle ne lui laissa pas le temps de la questionner, et, passant derrière son fauteuil, elle lui glissa les bras autour du cou en disant :

« Écoute, Michel. Depuis dix-huit ans bientôt que je suis ta femme, est-ce que tu peux me reprocher d’avoir jamais manqué de confiance envers toi ?

— Jamais ! répondit Michel, remué par l’accent ému et tendre à la fois de sa femme.

— Eh bien ! pourquoi n’agis-tu point de même à mon égard ? Pourquoi manques-tu de confiance envers moi ?

— Où as-tu vu cela ? dit un peu brusquement Michel, en essayant de se dégager du collier caressant que lui faisaient les deux bras de sa femme.

— Laisse-moi encore un peu ainsi et réponds franchement. Pourquoi ne veux-tu pas me dire ce qui te rend si triste depuis quelque temps ?