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né, et où je ne voyois ni commencement ni fin. Mais ensuite je m’aperçus qu’il se trouvoit dans chaque composé un élément dominant, une sorte de roi qui, bien connu et bien travaillé, mettoit en état d’acquérir sur les autres élémens les connoissances nécessaires, et d’agir sur tous avec peu de moyens, avec de petits moyens, quelquefois même avec un seul et fort commun. Ce principe une fois bien senti, et sachant désormais par où commencer et par où finir, je me disois, par exemple, en m’exerçant sur un petit composé pour apprendre à opérer sur les grands avec facilité : Qui este qui mène la France ? c’est telle société. Qui est-ce qui mène cette société ? c’est tel homme que tous les autres écoutent et copient, qu’ils craignent ou admirent, où plutôt qu’ils admirent, parce qu’ils le craignent ; c’est donc cet homme qu’il faut étudier et travailler pour être utile à la France. Reste à découvrir la femme qui gouverne cet homme ; enfin, à se procurer le chiffon qui séduit, ou à trouver le mot qui réduit, cette femme ; et alors tout sera fait. Il en faut dire autant des composés physiques, sur-tout des composés organiques, où la partie dominante est presque toujours la pire. Qui connoîtroit aussi-bien le principe d’action de cet univers, que nous connoissons celui de notre imperceptible contrée, pourroit peut-être, avec un seul doigt, ébranler le monde entier.