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but : or, celui-là nous ne l’avons pas ; nous avons tant de prétentions que nous n’avons point de buts et ce déficit a, comme tous les autres, sa raison suffisante. Vivant beaucoup plus que les anciens avec l’autre sexe, et lui ressemblant davantage, nous attachons plus d’importance aux petites choses ; nous les saisissons plus promptement, et nous les exprimons avec plus de grâce, de finesse, de légèreté et d’enjouement. Ce goût pour la parure et l’étalage, cet esprit tracassier et chifonnier qui décèle notre vrai sexe moral, se manifeste dans nos vêtemens ; nos entretiens, nos livres, nos assemblées publiques, nos constitutions éphémères et même dans nos sciences, qui, comme tout le reste, ne sont que des modes. Quand je considère ces vernis et ces dorures éclatantes de toutes parts dans un de nos cabinets de physique, je me dis : Voici la toilette du docteur : nous n’avons point de physicien, mais seulement des physiciennes. Tous nos arts, toutes nos sciences, et notre physique même sont tombés en quenouille : les anciens étoient les mâles, nous sommes les femelles. Depuis cent ans, la France s’est efféminée, et l’Europe entière s’est francisée. Depuis dix, nous nous efforçons de changer de sexe : des torrens de sang n’ont pu opérer cette inutile transformation ; il n’est que des siècles de misère et de nécessité qui le puissent : voilà deux millions d’hommes sur le