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mais c’est un devoir de l’être. J’aurai donc le facile mérite de ne rien savoir ; et avec un peu d’éloquence, je pourrai, sans injustice, me faire un grand nom, en devenant, comme l’illustre J.J. Rousseau, l’avocat et le commensal des ignorans ; car, dans tous les temps, ceux qui firent l’apologie de l’ignorance, sans rien ajouter aux connoissances humaines, s’immortalisèrent plus aisément que ceux qui augmentèrent, par des découvertes réelles, la masse des véritables sciences, sans en faire l’apologie ; les premiers ayant eu pour eux les ignorans, c’est-à-dire, le grand nombre. En troisième lieu, si les découvertes des plus grands génies ne sont que des illusions et des rêves, leur haute réputation est donc usurpée ; ils n’ont donc plus droit à l’estime publique ; cette estime doit donc me rester toute entière, à moi qui ai l’honneur de ne rien savoir, et le mérite de ne rien faire pour devenir savant. En quatrième lieu si une opinion n’est pas plus certaine que l’autre, nous pourrons donc, en toute question, soutenir le pour et le contre alternativement ; doubler ainsi tous nos volumes, et doubler en même-temps notre recette, soit pécuniaire, soit glorieuse. Aussi voyez-vous que Bayle, qui étoit aux gages d’un libraire, et qui avoit des in~folios à remplir, n’a pas manqué d’être sceptique, ainsi que la plupart des autres marchands de sagesse, entr’autres Cicé-