possibilités, plus il en soupçoune d’autres qui peuvent échapper à sa vue ; et moins il ose tracer, d’une main téméraire, des limites dans le champ illimité du possible. Car ; le plus haut degré de la raison humaine consiste à bien sentir sa propre insuffisance ; à voir clairement qu’elle ne voit jamais assez ; et tout l’avantage qu’un génie de premier ordre peut avoir sur les esprits ordinaires, c’est de sentir plus souvent ce qui lui manque ; d’être plus fortement convaincu du néant de sa science comparée à l’immensité de l’univers ; et de mieux découvrir, du point de vue élevé d’où il le contemple, la vaste étendue de l’ignorance humaine.
(b) De là cette nouvelle académie qui soutint ex-professo le dogme de l’acatalepsie. C’est un dogme bien commode que celui de l’acatalepsie, espèce de scepticisme mitigé, et qui n’ose paroître tout ce qu’il est ; c’est tout à la fois un instrument de paresse, de vanité, d’envie, de bavardage, et de timidité. Car, en premier lieu, si, avec quelque attention et quelque patience qu’on étudie la nature, toute vraie découverte est impossible, il s’ensuit que toutes les études sont inutiles, et que c’est notre paresse qui a raison. En second lieu, s’il est impossible d’être vraiment savant, on n’est pas oblige d’étudier pour le devenir : non-seulement on a droit d’être ignorant,