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pour le dire en passant, que, de deux exagérations en sens contraires, naissent presque toujours deux préjugés opposés. Car tout préjugé est un mélange de faux et de vrai : c’est d’abord ce qu’il a de vrai qui fait adopter ce qu’il a de faux ; et c’est ensuite ce qu’il a de faux qui fait rejeter ce qu’il a de vrai. Trop frappé des avantages d’un moyen utile eu lui-même, on en use tant, qu’à la fin on en abuse ; puis, incommodé par cet excès même, on prend un si grand élan pour l’éviter, qu’on saute dans l’extrême opposé ; comme si les avantages d’un moyen étoient un motif pour en abuser ; ou ses inconvéniens, une raison pour n’en point user du tout. C’est cette double méprise qui produit toutes les révolutions, physiques, morales, politiques, religieuses, médicales, littéraires, philosophiques, etc. toutes les variations de la mode et de l’opinion, etc. et elle est peut-être nécessaire en ce qu’il faut que tout change, l’homme se lassant de tout. Boërrhave, grand novateur comme tous les génies qui n’obéissent qu’à leur propre impulsion, choqué de l’extension prodigieuse que Galien avoit donnée à la doctrine des quatre tempéramens, déduite de cette division en quatre qualités primaires, dont il est ici question, a tellement affecté de l’éviter, qu’il est allé retomber, en grande partie, dans la médecine méchanique d’Asclépiade. Mais heureusement il a été assez sage