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Car, lorsque quelque transformation 

    la multitude innombrable de chocs qu’essuient les corps de toute espèce qui se frottent et se liment, pour ainsi dire, réciproquement ; limes qui deviennent de plus en plus fines à mesure que ces corps se divisent et se subdivisent, doit à la longue résulter un fluide assez subtil pour pénétrer tous les composés, suivant toutes les directions, et que sa subtilité même rend actif, comme je le ferai voir dans une autre note. La plupart des philosophes ont supposé l’existence de ce fluide, sous différens noms, tels que ceux de matière subtile, d’agent universel, d’esprit, de char ou de véhicule, de fluide électrique, de fluide magnétique, de dieu, etc. Il est naturel à un sauvage qui considère une montre dont il ne peut et dont il veut pourtant expliquer le mouvement, d’y supposer une petite âme, un petit être qu’il ne connoît pas mieux que ce qu’il veut expliquer, et auquel il confère la faculté de produire l’effet dont il veut rendre raison : chaque systématique est ce sauvage ; ne pouvant expliquer certaines propriétés de la matière, il la subtilise à l’infini par la pensée, afin de dérober aux objections le sujet de ses raisonnemens, et de rendre son ignorance impalpable comme cette matière. Par ce moyen, lorsqu’il tombe dans quelque méprise, on ne peut le prendre sur le fait ; et moi-même je ne m’excepte pas.