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hommes qu’on veut pénétrer. On juge des gens simples et foibles, par leur naturels ; des hommes plus prudens et plus cachés, par leurs buts. Une réponse assez spirituelle et assez plaisante, quoiqu’elle nous paroisse manquer de sincérité, c’est celle que fît certain nonce, à son retour du pays où il avoit résidé quelque temps en qualité d’ambassadeur ordinaire. Comme on le consultoit sur le choix de son successeur, voici le conseil qu’il donna : il ne faut, dit-il, nullement penser à envoyer là un homme fort habile, mais plutôt un homme médiocre ; car il ne seroit pas facile à un très habile homme de prévoir ce que pourroient faire des gens de cette espèce. C’est en effet une faute très ordinaire aux gens les plus habiles, que de juger des autres par eux-mêmes, et de prendre leur propre esprit pour mesure de celui des autres : en sorte que trop souvent ils frappent au-delà du but, en supposant les hommes occupés de grands desseins et de ruses fines et déliées, dont