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une raison chasse l’autre avant que la première se soit bien établie. En second lieu il n’est point d’homme d’une éloquence si heureuse et si puissante, qu’il puisse, du premier choc de son discours, rendre son interlocuteur tout-à-fait muet, et, pour ainsi dire, lui couper la langue : cet autre, selon toute apparence, fera quelque réponse, quelqu’objection. Mais alors qu’arrivera-t-il ? Que ce qu’il eût fallu réserver pour le réfuter ou lui répliquer, ayant déjà été touché et dit avant coup, perd ainsi toute sa force et toute sa grâce. En troisième lieu, si ce qu’on a à dire, on ne le répand pas tout d’un coup, mais qu’on le présente par parties, en jetant tantôt une chose et tantôt une autre, on est à même de découvrir, par l’air du visage et les réponses de l’interlocuteur, quelle impression chaque chose fait sur lui, ou en quelle part il la prend : de manière que ce qui reste à dire, on peut, redoublant de précautions, ou le supprimer tout-à-fait, ou y mettre plus de choix.