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lui fut inspirée pur son disciple, avec lequel il rivalisoit peut-être [1], se pro-

  1. N’est-il pas plus naturel de croire que l’ambition passa de l’âme d’Aristote dans celle d’Alexandre que de penser qu’elle remonta de l’âme du disciple dans celle du maître et est-il vraisemblable qu’Aristote attendit, pour être ambitieux et pour tyranniser le monde philosophique, qu’Alexandre eut ravagé l’Asie, et couvert de sa vaste ambition tout le monde connu ? Non ; le penser c’est vouloir que le fils ait engendré le père. Croyons donc que cet enragé qui s’arrogeoit la dictature dans les sciences, qui achetoit les livres de ses prédécesseurs pour les livrer aux flammes, qui s’efforçoit de couvrir de ridicule la vieillesse avancée du grand Platon son maître, souffla son esprit tyrannique et usurpateur à cet autre enragé, qui depuis, après avoir tourmenté un monde tout entier levoit les yeux vers l’espace et demandoit d’autres mondes pour les tyranniser. De plus, en lisant attentivement sa vie dans Plutarque, je vois que le maître après avoir empoisonné l’âme du disciple empoisonna son corps car ce jeune étourdi ayant fait mourir dans les supplices Callisthène, neveu d’Aristote, avoit eu l’imprudence de menacer l’oncle ; et cet oncle le prévint. Digne maître d’un tel disciple, digne disciple d’un tel maître !