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l’un pour l’autre. De plus, pour tirer un vrai parti d’une hypothèse de cette espèce, et prévenir toute objection, il faut la limiter, en disant seulement qu’elle peut servir à expliquer un grand nombre de phénomènes, et non qu’elle suffit pour les expliquer tous ; que la loi qu’on a découverte est une partie de celle qui est par-tout, et non le tout. Car, eussions-nous réellement découvert la grande loi qui régit l’univers entier, ce fait unique, raison nécessaire et suffisante de tous les autres, qui est l’objet de nos recherches, comme nous ne connoîtrons jamais l’univers entier, nous ne pourrions jamais être assurés de l’universalité de cette loi. Ces principes sur lesquels s’appuie la raison humaine, pour classer, suppléer, ou devancer l’expérience n’ont de solidité qu’autant qu’ils sont semblables à l’être même qui les pose ; c’est-à-dire, qu’autant qu’ils sont limités. L’homme est un être fini, quant à sa substance, à ses facultés et à sa durée : dans la théorie même, il ne peut presque rien, et il ne sait pas la cent-millième partie de ce qu’il peut ; ses connoissances sont donc extrêmement limitées ; ses principes, qui ne doivent être que les résultats collectifs, les sommaires ou les résumés de ses connoissances, doivent, par cela seul, être également limités ; et, pour me servir des expressions de Longin, tout mortel qui pose des principes trop généraux, est un musi-