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PRÉFACE

dire, pour mettre à la portée des moindres esprits les vérités récemment décou-

    dans l’esprit de l’auditeur ou du lecteur, une infinité d’idées et de tendres souvenirs qui tiennent à ce temps d’innocence où il a appris ces fables.

    10.o Une fable dispense de montrer clairement et directement aux hommes une vérité morale, politique ou religieuse, qui peut les offenser ; en un mot, elle sert à les instruire sans les humilier ; à leur faire aimer la vérité, en leur faisant aimer celui qui la dit.

    11.o La fable une fois composée, en supposant même que sa moralité soit frappante ne laisse pas de fournir aux poëtes, aux orateurs et à tous les écrivains, un moyen pour présenter une vérité utile, sans parler en leur propre nom : car, non-seulement la leçon ne doit pas être trop claire ni trop directe, mais il ne faut pas non plus qu’elle soit trop magistrale : les animaux du bon La Fontaine sont des instituteurs pour toutes les classes ; et puisque les hommes ne veulent pas accepter la vérité de la main d’un homme d’esprit, il faut bien la leur faire dire par une bête.

    12.o Une fiction peut servir à faire accroire au peuple une vérité qu’on ne sait pas lui apprendre, ou à lui enseigner en masse une vérité un