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DE LA SAGESSE

festoit les chemins ; s’y tenant en embuscade, il se jetoit tout-à-coup sur les passans, et après s’être saisi d’eux, il leur proposoit des questions très obscures et très difficiles à résoudre ; en un mot, des énigmes que les muses lui avoient ap-

    bord, et cingler vers l’autre extrême en tendant toujours à l’extrême opposé à celui dont il est le plus près, afin de passer et repasser sans cesse par le milieu, et d’être le plus souvent possible dans ce point auquel il doit toujours tendre, mais où il ne peut rester toujours. Ainsi, les deux maximes contraires, répondant aux deux extrêmes opposés, sont deux guides également nécessaires pour nous préserver tout à la fois de ces deux extrêmes, en nous renvoyant sans cesse et alternativement un peu vers l’un et un peu vers l’autre. Tel est le balancier nécessaire pour se tenir sur la corde, en se penchant légèrement tantôt à droite, tantôt à gauche. On sait que le centre de gravité de l’homme qui marche le plus droit, se porte tour à tour à droite et à gauche de la ligne que la totalité de son corps suit dans sa marche, et que ce centre décrit ainsi une ligne en zig-zag, mais en s’écartant fort peu de la ligne moyenne : notre marche morale doit ressembler à notre marche physique.