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DE LA SAGESSE

res, tracés dans cette fable sous les personnages de Prométhée et d’Épiméthée :

    chauffe et qui nous brûle : elles nous apprivoisent et nous effarouchent, nous consolent et nous désolent. C’est la beauté qui envoie les guerriers détruire le genre humain, et qui les rappelle ensuite pour réparer ses pertes : les femmes et les guerriers se cherchent naturellement : c’est avec ceux qui dépeuplent le plus, qu’elles aiment le mieux repeupler ; et Mars est l’amant favorisé de Vénus : ici, comme par-tout ailleurs, la nature, après avoir planté, dans le bien même, le germe du mal, plante ensuite, dans ce mal même, le germe du bien. Le véritable défaut de cette fiction expliquée par notre auteur, c’est que les poëtes qui l’ont inventée, n’ont envisagé que les maux causés quelquefois très innocemment par le beau sexe, sans parler des services qu’il rend et des biens qu’il procure à l’autre moitié du genre humain : il faut donc ajouter cette moitié que les poëtes ont supprimée ; la voici : on trouve infiniment plus de vertus, de talens et de qualités sociales, dans les sociétés composées des deux sexes, que dans celles qui le sont entièrement d’un sexe ou de l’autre : si l’on ôtoit de l’univers tout le beau sexe on en ôteroit le desir de plaire et la commisération, les deux sources les plus réelles et les plus pures de toutes les vertus humaines.