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DE LA SAGESSE

qui doit ici fixer principalement notre attention, ce sont les deux conditions op-

    quoi l’inventeur de cette fable dit-il que le vase, où étoient renfermés tous les maux, étoit fort beau, et qu’il fut mis entre les mains d’une très belle femme ? en voici la raison : la source la plus féconde des maux de l’homme en société, est la jalousie ; et les deux principaux objets de cette jalousie sont les belles femmes et le luxe ; c’est-à-dire, le desir de jouir et celui de briller ; seconde cause qui rentre dans la première, et qui n’en est qu’un effet ; car le luxe, enfant de la vanité humaine, a dû s’introduire, et s’est en effet introduit par le sexe, dont le besoin, le desir, la destination, le métier et le devoir même, est de plaire ; sexe qui, en conséquence, a droit et est même obligé, par état, d’être un peu vain. C’est sur-tout pour se plaire l’un à l’autre que les deux sexes se couvrent de brillans colifichets ; c’est pour jouir qu’on veut briller ; et c’est pour être doublement qu’on veut paroître. Or, de ce double desir naissent la jalousie, le dépit, les disputes, les querelles, la guerre et l’effusion du sang humain. Plus une femme a de perfections, plus elle est vivement et universellement convoitée, plus aussi elle cause de maux : un homme mûr et prudent, un Prométhée, se garde bien de mettre à son doigt un