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les surpasse dans un ou dans plusieurs de ces genres dont ils se piquent[1]. Tel fut le caractère de l’empereur Adrien, qui portoit une envie mortelle aux peintres, aux sculpteurs, aux architectes, etc. tous genres où il se piquoit d’exceller[2].

  1. Tout ce que gagne l’homme qui veut exceller dans tons les genres et surpasser tout le monde, c’est de se voir surpassé lui-même dans tous les genres dont il se pique, et de porter envie à tous ceux qui les professent. Car, en avançant dans un genre, on recule dans l’autre, l’homme ne pouvant tout faire à la fois, et perdant nécessairement d’un côté ce qu’il gagne de l’autre. Le seul homme vraiment ignorant, c’est celui qui ne sait pas son métier ; or, en apprenant le métier des autres, on oublie le sien ; et quand on veut apprendre tous les métiers, on finit par n’en savoir aucun.
  2. Parmi les hommes qui, étant en possession de la souveraine autorité, se piquent d’être hommes de lettres, il en est peu qui, à l’exemple du grand Frédéric, n’abusent jamais de leur puissance contre leurs émules par de sourdes persécutions ; mais l’homme est toujours homme, et, comme l’a dit Montagne, lorsqu’il est sur un trône, il n’est jamais assis que sur son cul.