Ceux qu’une trop grande avidité pour les éloges et pour toute espèce de gloire, porte à vouloir exceller dans plusieurs genres, sont nécessairement envieux : ils trouvent, à chaque pas, des sujets d’envie ; car il est impossible que personne ne
qui les ont trahis, abandonnés ou méprisés trop visiblement. Ils croient avoir acquis le droit de mépriser les hirondelles humaines que l’hiver de l’adversité fait disparoître, et que le beau temps ramène par volées. Une longue disgrâce avilit et dégrade une âne foible et sans énergie ; mais elle produit sur les âmes fières et opiniâtres l’effet diamétralement opposé ; elle bande excessivement leur ressort, et lorsqu’elles se relèvent, il y paroit. Quelle sottise de regarder ainsi en arrière, au lieu de se porter en avant ! Les honnêtes gens sont toujours disposés à réparer les légers torts qu’ils ont pu avoir envers un homme long-temps maltraité par la fortune. Ainsi, tout homme qui, en se relevant d’une longue disgrâce, est assez sage pour oublier le tort que des hommes ont eu de n’être que des hommes comme les autres, tire de son indulgence même une infinité d’avantages qui en sont le prix naturel ; et la seule vengeance qu’ils doivent tirer d’eux, c’est de ne pas leur ressembler.