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pour ainsi dire, transmettre ces gages si chers ; et l’on voit en effet assez de célibataires dont toutes les pensées se terminent à leur seul individu, et qui regardent comme une pure folie tous ces soins et toutes ces peines qu’on se donne pour un temps où l’on ne sera plus[1].

Il en est d’autres qui ne regardent une femme et des enfans que comme un sujet de dépense : et même parmi les célibataires les plus riches, il en est d’assez extravagans pour être tout glorieux de

  1. Les mouvemens les plus naturels et les moins trompeurs, dans l’être sensible, ce sont ceux de l’instinct. Or, par un instinct universel dans notre espèce, nous nous élançons, durant toute notre vie, vers ce temps où ce qu’il y a de matériel en nous ne sera plus ; il n’est presque point d’homme qui ne prenne le plus vif intérêt à l’idée qu’on aura de lui après sa mort ; et l’athée même tâche de s’immortaliser par des écrits contre l’immortalité de l’âme. Il semble donc qu’il y ait en nous quelque chose qui doit survivre à cette enveloppe que nous prenons pour tout notre être, quand nous en sommes trop occupés : et si ce qui pense en moi peut