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V. De l’adversité.

Une des plus belles pensées de Sénèque, pensée d’une grandeur et d’une élévation vraiment stoïque, c’est celle-ci : les biens attachés à la prospérité ne doivent exciter que nos désirs ; mais les biens propres à l’adversité doivent exciter notre admiration. Certes, si l’on doit qualifier de miracle tout ce qui com-

    vraie manière de se défaire d’un ennemi, c’est d’en faire un ami, en lui faisant sentir, par un procédé généreux, ce qu’il gagneroit à le devenir ; car faire un ami d’un homme qui étoit le contraire, n’est-ce pas tuer l’ennemi ? Quoi qu’en puisse dire cette multitude immense de glorieux et d’efféminés qui ont fait une vertu de la vengeance et de la susceptibilité, le seul mortel qui mérite le quadruple titre d’homme sage, d’adroit politique, d’habile méchanicien et de médecin prudent, c’est celui qui, en pardonnant les offenses, avec douceur et dignité, sait se faire, d’un ennemi, un ami ; d’un obstacle, un moyen ; d’une résistance, une puissances et du mal même, un remède. L’homme étant destiné à souffrir, l’arbre de la patience est l’arbre de la science ; sa racine est amère ; mais son fruit est doux.