Page:Bacon - Œuvres, tome 12.djvu/35

Cette page n’a pas encore été corrigée

grande disposition à imaginer de nouveaux termes[1], dont on fixe la signification de manière qu’au lieu d’ajuster les mots à la pensée, c’est au contraire la pensée qu’on ajuste aux mots[2].

  1. Le dernier effet de ces puériles et bruyantes innovations dans la nomenclature est presque toujours l’effusion du sang humain. De la multiplication excessive des nouveaux termes naissent les équivoques ; des équivoques, les disputes, des disputes, les querelles, et des querelles, la guerre ; car, si les plus ingénieux n’ont d’autre épée que leur langue, les plus sots n’ont d’autre langue que leur épée : d’abord on tranche les questions, puis on tranche les hommes.
  2. C’est la partie dogmatique, mystérieuse et inintelligible des religions qui divise les hommes qu’elles étoient destinées à réunir, et leur partie morale est la seule qui tende à les rapprocher ; car il est impossible que tout le monde s’entende sur ce que personne n’entend ; et plus l’absurdité d’une opinion la rend difficile à défendre, plus ceux qui la soutiennent s’irritent contre tout homme qui l’attaque, et sont disposés à suppléer par des voies de fait aux raisons qui leur manquent ; au lieu que chaque individu, bon ou méchant,