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puisqu’un ami est quelquefois pour nous beaucoup plus que nous-mêmes. Tous les hommes sont mortels ; et trop souvent leur vie ne dure pas assez pour qu’ils aient la satisfaction de voir l’entier accomplissement des desseins qu’ils ont eu le plus à cœur ; tels que ceux d’établir leurs enfans, de mettre la dernière main à un ouvrage commencé, etc. Mais celui qui possède un véritable ami, peut s’assurer que ce qu’il aura souhaité ne sera pas oublié après lui ; et par ce moyen, il aura, pour ainsi dire, deux vies en sa disposition. Chaque individu n’a qu’un seul corps qui est circonscrit dans le lieu qu’il occupe, et n’en peut occuper deux en même temps. Deux amis se doublent, pour ainsi dire, réciproquement ; car ce qu’on ne peut faire par soi-même, on le fait par son ami. Or, que de choses un homme ne peut, avec bienséance, dire, ou faire lui-même ! Par exemple : on ne peut, sans blesser la modestie, parler des services qu’on a rendus, et moins encore les exagérer ; on ne sauroit quelquefois