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il n’est pas douteux que tout homme qui a une aversion naturelle et secrète pour la société des autres hommes, tient un peu de la bête sauvage[1]. Mais il est

  1. Si, par hazard, cet homme, étant né très sociable, s’est aperçu que les autres hommes ne sont pas réellement en société, mais dans un perpétuel état de guerre, un peu masqué par la politesse ou par l’hypocrisie ; état qui a pour causes la défiance et la jalousie réciproques, filles de l’excessive inégalité, fille de la propriété exclusive, fille du partage (inévitable) de tous les biens, tels que force, adresse, talens, fortune, réputation, etc. partage qui produit dans les riches (sous l’un ou l’autre de ces rapports), l’orgueil et la défiance, et dans les pauvres, la jalousie et la bassesse d’âme ; s’il avoit, dis-je, fait cette triste découverte, ne seroit-ce pas, au contraire, parce que les autres hommes ne seroient que d’élégans sauvages, qu’il fuiroit leur compagnie, et que, ne pouvant vivre réellement en société avec eux, il s’isoleroit pour y vivre du moins, par hypothèse ; et pour avoir avec lui-même la paix qu’il ne pourroit avoir avec eux ? L’homme que les autres recherchent, et qui les évite, est plus sociable que ceux qu’il fuit ; car, puisqu’ils recherchent la société de cet homme