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XXIV. Des innovations.

Tout animal naissant est d’abord informe, et n’est encore qu’une espèce

    autres n’est tout au plus pour lui que le moyen, et plus souvent encore n’est que le prétexte : quoi qu’en puissent dire cette multitude immense d’hypocrites-égoïstes qui, en vendant leur sotte personne, ou leur sotte denrée, le plus cher qu’ils peuvent, feignent de la donner gratis, et ces autres hypocrites qui feignent de croire ce mensonge impudent, afin de pouvoir, à leur tour, mentir aussi impudemment, sans s’exposer à recovoir un démenti. Or, si chaque individu de notre espèce, à titre d’être sensible, est forcé de vouloir sans cesse son propre bonheur ; et si celui des autres ne peut être pour lui qu’un moyen de se rendre heureux lui-même, tout homme qui vit en société, ayant besoin des autres qui ont aussi besoin de lui, comme tous ceux avec lesquels il est obligé de vivre, sont d’une nature toute semblable à la sienne, il ne peut donc espérer d’être long-temps épargné et secondé par les autres, qu’autant que les autres le croiront habituellement disposé à les épargner et les seconder eux-mêmes ; et ils ne lui croiront long-temps une telle disposition, qu’autant qu’il aura soin de la leur prouver par des services très