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la dernière et à la plus dégradante de toutes les sectes, n’a pas laissé de dire, avec l’élégance qui lui est propre : un plaisir assez doux, c’est celui d’un homme qui, du haut d’un rocher où il est tranquillement assis, contemple un vaisseau battu par la tempête[1]. C’en

  1. Quelques philosophes ont attribué ce genre de plaisir à une sorte de malignité ou d’orgueil inné ; en supposant que l’homme se réjouit alors du mal d’autrui, ou se félicite d’en être exempt. Mais la première de ces deux suppositions n’est qu’une erreur, car les âmes sensibles et douces goûtent peut-être ce plaisir encore plus vivement que les âmes dures ; la seconde approche un peu plus de la vérité : voici la véritable cause de cette sorte de jouissance. Dans les sentiment réfléchis, tout est relatif ; et tout jugement de cette espèce est comparatif : l’homme ne se croit heureux que lorsqu’il juge sa situation actuelle meilleure que celles dont il est témoin, ou auxquelles il pense. Ainsi le secret du bonheur est de comparer toujours sa situation actuelle à une pire où l’on pourroit être, et non à une meilleure où l’on voudroit être. Il est donc facile à un homme qui a été soldat ou marin, de se rendre heureux par ses souvenirs.