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vons observer en passant que la flamme nait, meurt et renaît continuellement ; en sorte que la continuité de son existence n’est qu’apparente, et n’est au fond qu’un remplacement continuel d’un grand nombre de flammes individuelles différentes qui se succèdent les unes aux autres sans interruption[1]. Au lieu que

  1. La flamme d’une chandelle, par exemple, est un ruisseau de matière enflammée, qui coule de bas en haut, en obéissant à sa tendance naturelle, comme l’eau coule de haut en bas, en obéissant à la sienne ; et le suif, en se fondant, se volatilisant et s’enflammant, nourrit ce ruisseau, comme les glaces et les neiges de la haute Bourgogne, en se fondant, nourrissent la Seine, au moment même où j’écris ceci. Le fleuve que je vois aujourd’hui, n’est pas celui qui couloit hier sous mes yeux ; et la flamme que je vois, n’est plus celle dont je parle. Ce double effet est l’image de l’univers entier, de la pensée humaine, et du langage qui la représente et la ressuscite. Tout s’écoule, tout fuit, tout nous échappe, et restent les noms qui s’évanouiront à leur tour, en faisant place d’autres noms. Tout échappe à l’homme, et l’homme lui-même échappe à tout.