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PRÉFACE

l’esprit a quelque étendue. Mais il faudrait y faire un choix, et séparer de cette masse immense les idées imposantes, mais hazardées, les erreurs, les préjugés même ; car il eut nécessairement quelques-uns de ceux de son siècle et de son pays. Il serait donc à souhaiter qu’avec ces précautions, dans chaque ville de la grandeur de celle-ci (Semur), un homme instruit et judicieux se chargeât de lire publiquement à la jeunesse les écrits de Bacon, et formât, pour remplir cet objet, une espèce de cours. Au lieu de la laisser s’appésantir sur cette foule de livres que leur trivialité même a rendus classiques, et où l’on ne trouve rien à reprendre, parce qu’on n’y trouve rien à louer, ce seroit faire beaucoup plus pour son instruction, que de l’exercer de bonne heure à penser en grand par de fréquens entretiens avec le grand maître que nous allons interpréter. Ce n’est pas moins aux esprits qu’aux personnes qu’il faut appliquer cette maxime si rebattue dans la théorie, et si souvent oubliée dans la pratique : dis-moi qui tu hantes, etc. Combien d’esprits destinés par la nature à prendre l’essor le plus élevé, restent au-dessous du médiocre, pour avoir vu trop mauvaise compagnie ; et le principal fruit de ce commerce avec un esprit supérieur, n’est pas seulement de tirer de lui telles connoissances positives, mais aussi, et plus encore, d’apprendre à fixer et soutenir son attention ; à déga-