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PRÉFACE

moyen d’agir puissamment, c’est de cacher la main qui agit. Ainsi je me garderai de prédire ce grand événement, une telle prédiction pouvant y faire obstacle ; et je m’imposerai, sur ce dangereux sujet, le plus religieux silence, de peur d’ébranler les sociétés humaines jusques dans leurs fondemens. Mais ce que je ne dirai pas ouvertement, je l’indiquerai assez clairement, pour que, dans chaque nation et chaque siècle, les meilleurs esprits le devinent aisément ; et tôt ou tard, dans un pays où la presse sera parfaitement libre[1], et la civili-

  1. Sous la monarchie, au mois de décembre 1788, la liberté de la presse fut accordée, sans restriction ; dans la république, elle a été plusieurs fois mise en question, ce qui est aussi conséquent que le reste : mais pour résoudre mûrement cette question, il nous semble qu’il faudroit la poser ainsi : la presse doit-elle être esclave dans un pays libre ? Non, peut-on répondre : le moyen qui a servi pour conquérir la liberté, est encore nécessaire pour la conserver ; et si j’ai imprimé une opinion fausse ou nuisible, la liberté de la