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DE LA DIGNITÉ ET ACCROIS.

On voit aussi les muses dans le cortège de la passion ; car il n’est point d’affection, si vile et si dépravée qu’elle puisse être, qui n’ait trouvé quelque doctrine toute prête pour la flatter : c’est ainsi que la basse complaisance ou l’impudence de certains esprits a si prodigieusement rabaissé la majesté des muses, et cela au point que ces muses qui auroient dû être les guides et comme les porte-enseignes de la vie, ne sont trop souvent, pour nos passions, que des suivantes, des complaisantes.

Mais ce qu’il y a de plus beau dans cette allégorie, c’est de feindre que Bacchus prodigue ses amours à une femme délaissée et dédaignée par un autre. Car il est hors de doute que les affections appètent et briguent ce que dès longtemps l’expérience a rebuté. Et que tous sachent que ceux qui, s’assujettissant et s’abandonnant à leurs passions, attachent un prix si exorbitant aux jouissances (soit qu’ils soupirent après les honneurs, les femmes, la gloire, la science