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DE LA DIGNITÉ ET ACCROIS.

une fois qu’elle est conçue. L’esprit humain[1], qui en est le père, la nourrit et la cache principalement dans sa partie inférieure, qui est comme sa cuisse. Elle le picotte, le tiraille, et l’abat tellement, qu’elle gêne toutes ses actions et toutes ses résolutions, et le fait pour ainsi dire boiter. De plus : une fois qu’elle s’est fortifiée par notre consen-

  1. Toute passion a pour cause ou pour mère, l’idée ou plutôt l’image d’un bien réel ou apparent, passé, présent ou futur. Or, les idées et les images se rapportent à l’esprit. Voilà pourquoi je traduis, par le mot esprit, ce mot animus de l’original. Une autre raison qui me détermine à préférer ce mot d’esprit à celui d’ame, raison dont le lecteur judicieux sentira toute la force, c’est que j’ai besoin ici d’un substantif masculin ; car il n’y a pas moyen de dire que l’ame humaine est le père de la passion ; si nous disions qu’il en est la mère, ce seroit fait de l’explication de notre fable. D’ailleurs il n’y a pas dans l’homme deux êtres, dont l’un s’appelle ame et l’autre esprit. Mais l’esprit et l’ame ne sont qu’une seule et même chose, considérée sous deux rapports, et désignée par deux noms différens.