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LE SERVITEUR

leurs sabots, la maison présente en guise de décrottoir deux marches de granit à arêtes inusables que pourraient lui envier ces maisons plus fortunées que sont les monuments publics dans les grandes villes. Mais chez nous le granit serait pour rien, s’il ne fallait que tout le monde vive, les tailleurs de pierres comme les autres. Après avoir gratté tes sabots, tu ne frappes pas à la porte. Tu l’ouvres ou tu la pousses. Te voici chez toi.

La maison ne t’appartient pas, mais tu en paies le loyer à la date convenue : jamais un jour de retard. Un mois avant que passe le propriétaire, les six louis sont préparés dans le tiroir de gauche de l’armoire. Mais, sil n’oublie pas ses droits, le propriétaire connaît ses devoirs. Il ne vient qu’à la date convenue. C’est un petit homme trapu, à visage rasé, qui possède trois ou quatre maisons dans le quartier des Promenades. Il a une cinquantaine d’années et habite à quelques lieues d’ici dans une commune moins importante que notre petite ville. Il ne voyage qu’à pied, connaît les routes mètre par mètre de cailloux que cassent les cantonniers. Il connaît mieux encore, arbre par arbre