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vœu. Tu ne t’es pas enrichi, bien au contraire, car « la terre même montre ses cheveux hérissés et demande d’être peignée pour nous rendre ses fruits accoutumés. »

Tu vis, sans en rien savoir, sous un grand roi qui fait un grand siècle. Entends-tu les violons, là-bas, aux jardins réguliers de Versailles ? Vois-tu ces princes chamarrés et ces dames poudrées ? Écoute-les soupirer dans les bosquets, aux fêtes du soir où le ciel allume toutes ses étoiles ! Mais pour la deuxième fois tu te lèves de ton sillon, et je te vois « noir, livide et tout brûlé du soleil, attaché à la terre que tu fouilles et remues avec une opiniâtreté invincible » et toujours serf. Tu as bien le temps de t’occuper des fêtes ! « Le pauvre peuple travaille incessamment, ne pardonnant ni à son corps, ni quasi à son âme, c’est-à-dire dire à sa vie, pour nourrir l’universel royaume ; il laboure la terre, l’améliore, la dépouille. Il n’y a saison, mois ni semaine, jour ni heure, qui ne requière un travail assidu. Et de son travail il ne lui reste que la sueur et la misère. Ce qui lui demeure de plus présent s’emploie à l’acquit des tailles, de la gabelle, des aides