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sions des Arabes et des Normands ravagent le pays, et c’est de grand cœur que tu te soumets à la condition de mainmorte pour obtenir, d’un seigneur ou d’un abbé, une parcelle de terrain dont la culture te fasse vivre. Sous Charles le Grand, tu es tenancier pour le compte d’une abbaye, et il te vient aux oreilles que l’empereur a écrit : « Qu’on ait bien soin de notre famille, et qu’elle ne soit réduite par personne à la pauvreté ! Si un serf veut nous dire contre son chef quelque chose d’important, qu’il ne soit pas empêché de venir jusqu’à nous ! » Tu ne songes pas à user de l’autorisation.

Sous les rois de France, ces hommes qui sont assis sur un trône de velours, couronne en tête et sceptre en main, immobiles, muets, graves, augustes, que deviens-tu ? Es-tu serf de la glèbe, abourné, bénéficial, franc à la mort, servagier, congéable, coutumier, foncier ? Ne cherchons pas trop loin. De tenancier, vas-tu te réveiller, un beau matin, propriétaire, de serf, homme libre ? Le désires-tu ? Je ne voudrais pas l’affirmer. Et c’est peut-être encore parce que je regarde mal : je ne te vois point dans les rangs de ceux qui, excités et conduits par Hugues de