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près ronflent les moteurs d’une usine. Dès leur plus tendre enfance, ils se sont accoutumés à considérer le peuple des travailleurs et des domestiques comme une fourmilière qu’ils ont le droit de disperser à coups de badine, s’il leur en prend fantaisie, aux quatre coins du ciel.

D’autres ont eu pour pères ces héros au sourire si doux, qui n’étaient suivis que d’un seul houzard. Mais c’est déjà beaucoup de n’être, à la distance réglementaire, suivi que d’un serviteur. Tu n’étais pas accompagné, toi, respectueusement : tu fus de ceux qui suivent.

Que l’on ne s’y méprenne pas ! Ce n’est point par une espèce de forfanterie à rebours que je me réclame de toi. Les pauvres ne sont pas tout, et tu serais surpris, le premier, que je songe à m’en glorifier. Je dis seulement qui tu fus, qui je pourrais être : je ne le crie point par-dessus les toits. Pourtant je ne voudrais ni le taire, ni le murmurer à voix basse. On est allé si loin chercher des modèles de vie, — jusque chez ces héros d’exception dont l’âme ne pouvait se déployer que sur l’immensité du monde transformé en champ de bataille, — que